Voilà une question qui anime bien des discussions en ce moment : à partir de quel montant considère-t-on qu’une retraite est « petite » ? Ce débat n’a rien d’anecdotique, car il influence directement les politiques de revalorisation des pensions. Entre opinions politiques, chiffres officiels et réalités de terrain, les avis divergent quant au seuil à retenir — est-ce 1 200, 1 500 ou 1 800 euros ? Ce flou entretient à la fois l’espoir chez certains retraités… et l’injustice chez d’autres.
Un flou sur les seuils qui complique la justice sociale
Des chiffres tantôt politiques, tantôt symboliques
Depuis plusieurs mois, plusieurs montants circulent dans le débat public pour définir ce qu’est une « petite retraite ». Lors de la réforme des retraites, le gouvernement évoquait régulièrement le seuil de 1 200 euros brut. Pourtant, d’autres voix s’élèvent aujourd’hui pour défendre une définition plus réaliste, prenant en compte l’inflation et le coût réel de la vie en France, notamment dans les zones urbaines ou touristiques. Ainsi, des députés ou économistes proposent plutôt 1 500 voire 1 800 euros, pour définir la frontière entre des pensions modestes et les autres.
Des critères qui varient selon le contexte
Le problème, c’est qu’il n’existe pas de définition légale unique de ce qu’est une petite retraite. La Cour des comptes elle-même reconnaît que ce seuil varie selon les contextes budgétaires, les régions ou encore la composition du foyer. En réalité, une pension de 1 200 euros n’a pas la même valeur de pouvoir d’achat à Paris qu’à Saint-Flour ou Colmar.
La promesse d’une revalorisation… pour qui exactement ?
Des annonces politiques sous le feu des critiques
Lors de la campagne présidentielle et au moment du vote de la dernière réforme des retraites, l’exécutif avait promis une revalorisation desdites petites pensions à hauteur de 85 % du SMIC net. Aujourd’hui, cela représenterait environ 1 200 euros net. Problème : cette augmentation automatique ne s’applique finalement que dans des cas très spécifiques, notamment pour ceux ayant une carrière complète au SMIC. Les retraités aux parcours plus hachés ou multiples se retrouvent souvent exclus du dispositif, même si leurs revenus sont bien inférieurs à cette somme seuil.
Une réalité qui déçoit nombre de séniors
Beaucoup de retraités ont donc été frustrés de ne constater aucune évolution sur leurs virements de pension. Certains perçoivent en effet 1 000 voire moins de 900 euros mensuels et se sentent abandonnés. Le seuil de 1 500 euros est pourtant souvent considéré par les associations et syndicats comme le minimum « digne » pour vivre décemment aujourd’hui, surtout seule ou lorsqu’on a des frais de santé réguliers.
Les écarts territoriaux creusent encore la fracture
Le pouvoir d’achat selon le lieu de résidence
Une pension identique peut offrir des conditions de vie très différentes selon qu’on habite en milieu rural ou dans une zone touristique. L’été dernier, j’ai eu l’occasion de passer quelques jours dans le sud-est de la France, autour de Grasse, dans les Alpes-Maritimes. J’y ai rencontré des retraités qui, malgré une pension supérieure à 1 300 euros, peinaient à vivre correctement en raison des prix des loyers et du coût de la vie en saison estivale. À contrario, un couple retraité croisé dans l’arrière-pays expliquait s’en sortir correctement avec moins de 1 000 euros du fait de leur logement payé et d’un mode de vie autonome.
Une impression de voyage mêlée à la réalité sociale
Au détour des ruelles ombragées de Grasse, entre les effluves de jasmin et les parfums d’agrumes, le contraste était saisissant. Ce territoire majestueux, bordé de collines et baigné de soleil, cache aussi une précarité silencieuse. Une dame, ancienne couturière, me racontait son quotidien fait de choix douloureux : « Il faut choisir entre se chauffer ou bien manger », soufflait-elle. Ce voyage, que je croyais touristique, s’est transformé en véritable prise de conscience.
Revaloriser : un levier économique autant que moral
Un geste attendu, mais encore imprécis
Relancer le pouvoir d’achat des retraités modestes pourrait être un moyen de relancer partiellement la consommation, notamment dans des secteurs sous tension comme la santé ou les services à la personne. En outre, cela redonnerait à de nombreux aînés une forme de reconnaissance sociale. Mais tant que les seuils restent flous, difficile de savoir qui bénéficiera réellement d’une éventuelle revalorisation en 2025 ou 2026.
Vers quel seuil faut-il tendre ?
Doit-on viser l’alignement sur 1 500 euros ? Ou considérer qu’une retraite en dessous de 1 800 euros nécessite systématiquement un complément ou un soutien ? Le débat est loin d’être clos, mais il reflète un enjeu fort : définir une norme équitable dans une société vieillissante où les écarts ne cessent de se creuser.
Des pistes pour corriger les inégalités
Repenser les dispositifs d’aide
Une des solutions à envisager serait de personnaliser davantage les dispositifs d’accompagnement selon le coût réel de la vie locale. Pourquoi ne pas lier certaines aides au logement ou à l’énergie à un barème indexé sur la zone de résidence ? Certaines villes, notamment dans les régions touristiques comme la Côte d’Azur, pourraient ainsi tenir compte de la cherté de vie locale pour ajuster les minima sociaux.
Inclure les anciennes carrières fragmentées
Il serait aussi pertinent de prendre en compte les carrières dites « discontinues » ou « hachées » dans le calcul des augmentations. De nombreuses femmes, particulièrement touchées, se retrouvent avec des pensions ridiculement basses malgré une vie pleine de travail, souvent non reconnu officiellement (travail domestique, emploi à temps partiel, etc.).
Le poids des mots dans les décisions politiques
Quand la sémantique influence la politique
Parler de « petite retraite », cela peut paraître anodin. Pourtant, le mot choisi pour désigner une réalité sociale a un impact décisif sur les politiques publiques. En fixant trop bas le seuil, on exclut de fait de nombreux retraités d’une forme de solidarité nationale, les laissant dans une invisibilité sociale redoutable.
Redonner un sens juste à la solidarité
Fixer un seuil clair et ambitieux permettrait non seulement d’agir plus justement, mais aussi de redonner confiance aux générations actuelles, qui s’inquiètent déjà pour leur propre retraite future…




